L'effet du camouflage et de la sur adaptation
L'autisme est une condition qui comporte des caractéristiques pouvant mener à des déficiences plus ou moins marquées. Celles-ci peuvent créer des limitations ou incapacités chez la personne. À ce moment, la condition devient suffisamment handicapante pour limiter la personne dans son autonomie et à réaliser les tâches de la vie courante dans le cadre normalement établi. Étant donné que chaque individu est unique, l'impact causé par cette condition se reflète différemment chez chacun.
Nous pouvons trouver des outils, stratégies, adaptations, ressources et soutien pour nous aider à pallier et à diminuer au mieux l'impact que ces déficiences occasionnent.
Parfois, ce qui cause cette situation de handicap peut se situer en nous (aspects et facteurs internes) et dans d'autres cas, être causé par des facteurs externes. Lorsque ces facteurs sont internes, les ressources et démarches pour les reconnaître seront possibles grâce à la découverte de soi et du développement personnel. Lorsque ces facteurs sont externes, alors nous devons évaluer si des facteurs peuvent être modifiés, supprimés ou si non, si nous pouvons nous extraire de ces facteurs qui nous nuisent.
Dans le cas où il est impossible de travailler ses aspects et facteurs internes ou bien d'équilibrer les facteurs externes en harmonie avec soi et ses capacités/besoins, nous devons aller chercher du soutien extérieur tels que des professionnels et intervenants.
Lorsque malgré tout cela les déficits et limitations continuent d'impacter notre quotidien, les sphères de vie et notre bien-être, l'autisme n'est plus du tout une condition positive dans laquelle nous y reconnaîtrons ses forces et son potentiel. Cette condition ne se résumera qu'à un handicap et une différence pénible.
En mode camouflage et traduction
En constatant et en vivant ce décalage avec les gens et la société, et ne voulant surtout pas être jugées, dénigrées, humiliées ou rejetées, la plupart des personnes autistes auront deux façons de s’intégrer: tout d’abord, ils tenteront d’imiter les autres et de camoufler ainsi leurs particularités. Ensuite, ils devront sans cesse tenter de traduire/interpréter le monde extérieur qui est créé par des personnes et pour des personnes au mode de fonctionnement différent.
Ce point est très important pour comprendre ce qui met ces personnes en situation de handicap, en sentiment de décalage ou en difficulté d’adaptation. Cela leur demandera d’immenses efforts et une quantité incroyable d’énergie à investir dans cette traduction pour bien imiter sans réellement comprendre ou adhérer à ce qui est attendu.
En intégrant un autre mode de fonctionnement, elle ne pourra plus utiliser les forces et les compétences propres à son mode puisqu’elle doit s’approprier et utiliser les forces et compétences de l’autre mode. Imaginez comment on peut se sentir de ne pouvoir jamais expérimenter la vie et se développer en étant soi et avec les ressources et capacités qui nous sont propres.
Résultats : Une méconnaissance de soi, de ses besoins et de son rapport à l’autre.
Un développement identitaire en retard et des expériences insatisfaisantes
Dans le développement d’une personne, et ce dès l’enfance, imiter les autres en permanence sans en comprendre vraiment le sens est très néfaste. En effet, son développement identitaire prend du retard dû à une méconnaissance de soi, de son fonctionnement et de ses besoins.
De plus, si on ne peut être soi lorsque nous sommes en relation ou lorsqu’on interagit, il devient très difficile d’agir correctement, car nous ne comprenons pas ce que nous faisons, nous ne faisons qu’imiter ce que nous avons observé ou entendu. Ainsi, nos aptitudes à communiquer et à développer des relations s’en trouvent affectées et retardées. Sans compter le fait que nous ne serons jamais satisfaits des relations que nous créons puisqu’elles ne reflèteront pas notre personne, nos intérêts, notre mode de fonctionnement, notre personnalité, etc. La motivation à aller vers les autres se verra affectée.
Imaginez aussi l’impact sur l’estime, la confiance et l’affirmation de soi. Cela est tout simplement impossible à développer. Malheureusement, même si nous participons à un groupe de discussion une fois par semaine pour socialiser ou développer ces aptitudes, cela ne pourra être suffisant et pertinent puisque dans le 95% du temps restant, nous sortons de notre mode et le développement ne peut se poursuivre.
La compréhension de la société
Plus précisément ses attentes, normes et rôles sociaux
Comme je disais, la structure de la société et tout ce qu'elle inclus est crée, organisé, dirigé et appliqué par des personnes au mode de fonctionnement différent donc ayant des capacités, forces, faiblesses et perceptions de l’environnement qui sont différentes. Pour une personne autiste, cela peut s’avérer difficile de comprendre, d’accepter et de bien se comporter dans toutes les facettes de la société. Ce n’est pas un choix ou de l’opposition. Ce serait comme demander aux personnes non autistes de vivre comme des personnes autistes. Fort probablement que cela ne serait pas logique, ne conviendrait pas ou demanderait de dépasser leurs capacités (faiblesses) ou de ne pas utiliser certaines autres de leurs capacités (forces) et d’accepter de bâtir leur vie sur cela.
Ainsi, une personne autiste qui arrive à être hautement «fonctionnelle», c’est tout simplement qu’elle a les aptitudes pour comprendre et imiter ce mode de fonctionnement, afin de s’intégrer dans la société. Cela ne signifie pas qu’elle ne sort pas de son mode, qu’elle ne dépasse pas ses capacités ou qu’elle ne sous-utilise pas ses forces. Il s’agit simplement des aptitudes d’une personne à faire du camouflage. Mais le coût est énorme et néfaste sur le long terme.
Le camouflage, à l’origine du terme handicap invisible
Le niveau hautement fonctionnel, une fausse croyance
J’aimerais revenir sur la définition du concept de ``Hautement fonctionnel`` que certains professionnels et intervenants attribuent à des personnes autistes dont elles considèrent qu’ils parviennent suffisamment à s’intégrer en société et réussir personnellement et professionnellement sans trop déranger les autres ou impacter son bien-être.
Comme je disais, ce haut niveau de fonctionnement ne signifie pas que la personne réussit à faire cela sans effort, sans coût d’énergie, sans dépasser ses capacités, sans affecter son développement et qu’elle comprend parfaitement tout ce qu’elle fait pour bien se comporter et réussir sa vie. Cela ne signifie pas non plus qu’elle comprend et adhère à tout ce qu’elle fait et qu’elle trouve sa vie satisfaisante. C’est tout simplement qu’elle a les aptitudes pour faire paraître que oui. Et si bien qu’elle se le fait croire à elle-même et finit par oublier qui elle est, ce qu’elle veut et ce dont elle a besoin. Ses choix de vie ne seront pas cohérents avec sa personne et elle pourra vivre des échecs plus fréquemment, mais qui seront encore une fois perçus comme des échecs normaux tant qu’elle réussira à s’en relever de façon attendue.
Le hic, c’est que la personne peut parvenir à conserver ce niveau de fonctionnalité durant une certaine période de sa vie jusqu’à ce qu’un événement, une situation ou une période transitoire de la vie ne surviennent et ne viennent dérégler tous ces mécanismes d’imitation, d’adaptation et de camouflage mis en place. À ce moment, la personne refera face à sa condition et à ses déficits et ses limitations seront plus apparentes. Ils reprendront la place qu’ils avaient avant que ces mécanismes d’adaptation n’aient été activés.
Si la personne ne savait pas qu’elle est autiste, elle pourrait se poser plusieurs questions sur ce qui lui arrive étant donné que ses mécanismes d'adaptation sont là depuis l’enfance. Elle ne se connait pas, ni son fonctionnement, ni ses besoins ni comment faire face à ses déficits. Elle ne pourra donc plus fonctionner normalement. Tout son quotidien deviendra insurmontable. C’est à ce moment qu’elle ira consulter un professionnel.
Le diagnostic tardif, effet du camouflage
Après quelques consultations, cette personne recevra le diagnostic d’autisme qui, d’une part, la soulagera, car elle comprendra enfin ce qui lui arrive et elle pourra s’expliquer enfin l’entièreté de sa vie, des événements vécus, de ce sentiment de décalage et de ses difficultés. Elle lira sur le sujet, consultera des intervenants et sera menée à s’introspecter et à observer sa situation actuelle et analyser les différentes sphères de sa vie (travail, étude, intérêts, relations, famille, habitude de vie, santé, etc.). Elle se rendra compte à quel point elle vivait à côté de sa condition, personnalité, aspirations et besoins.
Toute cette inadéquation avec elle, tous ces choix ne sont que le résultat de ces mécanismes d’adaptation qu’elle a mis en place pour s’intégrer et éviter d’être jugé, rejeté, dénigré ou humilié et de pouvoir suivre le cours de la vie sans vivre d’échecs et sans démontrer ses particularités. Elle en a maintenant conscience, elle apprend à se connaitre et souhaite se respecter dorénavant. Elle comprend qu’elle ne parviendra peut-être plus à réactiver ces mécanismes et plus elle s’introspecte et constate les effets dévastateurs, moins elle a envie de les réactiver. N’aurait-elle pas le droit de vivre dans son mode de fonctionnement, après tout?
Cet événement, en fait, dérègle les mécanismes d'adaptation puisqu’il ajoute une charge d’adaptations supplémentaires, qui peuvent être nouvelles de surcroît, et qui mène l’individu à vivre au-dessus de ses capacités. Toutes les obligations, responsabilités et tâches qu’elle avait pu accepter et réussir à bien accomplir n’étaient possibles que parce que son environnement et sa situation lui permettaient d’appliquer ces mécanismes d’adaptations tout en ayant la possibilité de régénérer son énergie suffisamment. Ses déficits et particularités refont donc surface. Selon l'événement qui a causé le déséquilibre de ses mécanismes, soit cet événement est temporaire et elle pourrait avoir accès à ces mécanismes plus tard ou bien cet événement sera sur le long terme ou à vie et elle ne pourra plus s’adapter comme avant. Cela peut être un deuil, une séparation d’une personne qui offrait un soutien, devenir un nouveau parent, une maladie ou accident, un traumatisme, etc. Dans tous les cas, la personne subira les conséquences de toutes ces années de camouflage et d’adaptations.
Les conséquences du diagnostic tardif
La construction identitaire est impactée. Elle s’est arrêtée au stade où l’individu a quitté son mode pour s’adapter au mode différent. Ensuite, il n’a fait que jouer un rôle d’une pièce de théâtre. Les acteurs, lorsqu’ils jouent dans une pièce de théâtre, jouent un personnage qui répond aux critères attendus de ce personnage et permet à celui-ci de jouer toutes les scènes de la pièce correctement. Toutefois, il n’est pas en train de développer son identité, ses compétences autres que théâtrales et cela ne lui permettra pas de créer des relations. C’est exactement la même chose pour la personne autiste. Quand elle souhaite réintégrer son mode, elle se bute à des pans entiers de son identité qui ne sont pas développés.
Si on ne se connait pas soi-même, comment pouvons-nous rechercher ce qui nous inspire, convient, répond à nos besoins et comment pouvons-nous interagir et développer des relations saines? Chaque choix n’aura été qu’un acte de cette pièce de théâtre qui sera externe à ce que nous sommes et avons besoin. Les sphères de vie sont donc désharmonisées.
Si l’acteur vit une grande période de sa vie dans la pièce de théâtre et que tout à coup celle-ci s’arrête et qu’il doit retourner vivre dans le monde réel, aura-t-il les capacités, aptitudes, ressources et stratégies adaptées? Je ne crois pas. Alors il se verra devoir répondre à ses obligations et charges de la vie réelles avec le peu de capacités, ressources et stratégies qu’il possède et n’y parviendra sûrement pas longtemps.
En résumé :
1. Construction identitaire sous-développée.
2. Ses sphères de vie sont en inadéquation.
3. Ses mécanismes d’adaptation ne sont plus possibles.
4. Son intégration en société et l’accomplissement de ses obligations deviennent difficiles.
Résultat : Son rythme de vie et ses charges le poussent à fonctionner au-dessus de ses capacités.
Le manque de compréhension et de soutien
Cette personne cherchera alors du soutien externe soit en consultant des professionnels ou en recherchant du soutien financier puisqu’elle ne parviendra plus à accomplir toutes ses obligations. Elle en viendra peut-être à la conclusion que travailler à temps plein n’est plus possible. Toutefois, elle prend aussi conscience qu’elle ne peut répondre à ses obligations financières et elle cherchera ce soutien financier.
Au fil de ses recherches, elle trouvera et essaiera divers spécialistes (travailleur social, éducateur spécialisé, psychoéducatrice, psychiatre, psychologue, ergothérapeute, etc.). Quoi que je lui espère de trouver des spécialistes positifs, il n’en reste que la plupart des personnes autistes ressentent toujours cette différence et incompréhension autant de la part de l’intervenant envers eux que de la leur pour comprendre l’intervenant. Ils constatent donc que les interventions, outils et stratégies sont soient difficilement réalisable dans le quotidien, ne tiennent pas compte de tous les aspects ou que plusieurs outils, stratégies, accommodements et spécialistes doivent être jumelés pour l’aider. En fait, c’est normal puisque ces spécialistes doivent quitter leur mode de fonctionnement pour adhérer à celui de la personne autiste et qu’ils éprouvent autant de difficultés à comprendre que les personnes autistes ont lorsqu’ils intègrent le mode de fonctionnement neurotypique.
Sans compter la liste d’attente interminable au public et les prix élevés au privé.
Au niveau du soutien financier, mis à part l’aide sociale, aucune aide particulière pour se réadapter après un diagnostic n’existe si on est considéré avoir un niveau hautement fonctionnel. Cela ne semble pas être validé ni pris en charge par le gouvernement. Elle se voit donc sans issue pour parvenir à se rétablir.
Finalement, elle souhaitera peut-être annoncer son diagnostic et ses démarches auprès de ses proches. Certains l’accepteront, d’autres non, mais dans tous les cas, le soutien ne sera pas suffisant pour permettre ce rétablissement.
En résumé :
1. Spécialiste au public : Attente interminable.
2. Spécialiste au privé : Prix trop élevé pour la plupart des personnes autistes.
3. Interventions, outils et stratégies limitées ou inadéquates.
4. Aucun soutien financier.
5. Incompréhension et soutien limité de l’entourage.
Les surcharges, pourquoi se produisent-elles?
Les surcharges font partie intégrante de la réalité d'une personne autiste. Elles peuvent être plus ou moins fréquentes selon l'attention que nous portons à ce qui les cause et les outils et stratégies que nous possédons pour les prévenir et les prendre en charge lorsqu'elles surviennent malgré tout. Une surcharge, c'est lorsque la demande extérieure ou la situation actuelle nous demande une sur utilisation de nos capacités ou de fonctionner au-dessus de notre limite.
À court terme, sur une journée par exemple, selon l'endurance de l'individu, la surcharge peut survenir. À ce moment, le corps dit Stop! J'ai besoin de repos et il ferme les ressources en sur utilisation. Alors, notre corps devient sensible, nos fonctions cognitives deviennent insuffisantes et nos capacités deviennent limitées. Il est alors très difficile de rester dans cet environnement et nous devons nous retirer dans un endroit calme où aucune stimulation ou demande extérieure ne surviendra. Une surcharge est douloureuse. Je l'apparente autant dans sa fonction que dans ses ressentis à une perte de conscience. La perte de conscience permet un arrêt au corps et au cerveau pour rétablir ses fonctions. Durant le moment où la personne devient faible, ses fonctions diminuent telles que la vision, l'audition, l'équilibre, la force musculaire et on peut ressentir des douleurs abdominales, un engourdissement, des douleurs aux yeux, etc. La personne doit se reposer dans un lieu calme.
Sur le long terme, si la personne ne peut s'extraire ou minimiser les situations ou l'environnement qui causent les surcharges, et que celles-ci s'accumulent, cela peut mener à un épuisement autistique. La personne a fonctionné sur une trop longue période au-dessus de la limite de ses capacités en surutilisant ses ressources. Et tout cela parce qu'elle s'est éloignée de son mode de fonctionnement et de ses besoins pour répondre aux attentes.
Les surcharges, cette fameuse jauge d’énergie
J’aime bien me représenter ma journée et les tâches/obligations/activités sur une jauge d'énergie personnelle. Tout le monde pourrait utiliser une jauge d'énergie pour évaluer sa journée et les activités qu'il aura à accomplir pour évaluer ses capacités et l'énergie disponibles pour les réaliser. Toutefois, pour les personnes autistes, cet exercice est d'autant plus important puisque les conséquences de ne pas connaître la charge énergétique demandée pour chaque activité versus son état, ses capacités et ses ressources sont plus néfastes. Une surcharge, ce n'est pas un simple épuisement après une grosse journée.
Quand je parle de connaître et respecter la charge énergétique que chaque activité requiert, cela ne réfère pas à notre compréhension ou capacité à atteindre le résultat escompté, mais bien de faire toutes les étapes qui mènent à ce résultat. Pourquoi? De un, parce que les étapes ont été créées et mises en place par des personnes aux modes de fonctionnement différents donc les forces, faiblesses, capacités utilisées se réfèrent à celles que ces personnes non autistes possèdent. De deux, le temps approximatif peut aussi différer entre les personnes autistes et les non-autistes. Ainsi, quand une routine quotidienne qui ne comporte qu'un temps limité en nombre d'heures, et additionné au rythme de vie rapide de notre société, encore une fois établit en fonction des capacités d'un mode non autiste, la personne autiste peut ne pas parvenir au résultat escompté ou devoir sur utiliser ses ressources pour y parvenir.
Si nous avions à notre disposition les ressources et la liberté de pouvoir créer, organiser et procéder à ces étapes sous notre mode de fonctionnement, alors nous arriverions à un aussi bon résultat ou du moins, un résultat qui nous convient et comble notre besoin.
Les causes des surcharges
En général, les surcharges sont causées par un trop grand nombre de données à traiter pour nos capacités. C'est d'ailleurs ce qui cause une limitation due aux déficits propres à cette condition. Les données arrivent trop rapidement pour notre capacité donc nous avons l’impression que nous sommes envahis par ces données (nombre) et que nous n’arrivons pas assez rapidement à les traiter (rapidité). Ces surcharges peuvent provenir de plusieurs sources telles que: notre sensibilité (les sens) et notre capacité de traitement (données ou informations). C'est pour cela qu'on parle généralement de surcharges sensorielles ou surcharges cognitives. Cependant, plusieurs autres types de surcharges existent en lien avec ces deux déficits:
- À exécuter plusieurs tâches simultanées.
- À recevoir l'information de plusieurs sens simultanément.
- À devoir se concentrer ou garder son attention vers l'extérieur alors que cet environnement est surchargeant.
- À mémoriser des informations (le traitement est alors impacté et cela consiste à une tâche supplémentaire qui parfois est de trop).
- À communiquer, car recevoir de l'information, la traiter et répondre peut parfois nécessiter trop de nos capacités disponibles.
Bref, tout ce qui demande une concentration vers l'extérieur lorsque cet extérieur demande ou exige que nous dépassons nos capacités permises. Alors comme je le disais, cette jauge d'énergie descend et une fois à zéro, nos capacités d'adaptation sont réduites, car nos mécanismes et stratégies d’adaptations ne peuvent plus être activés. Cela impacte donc toutes les sphères de notre vie et peut causer plusieurs échecs dans la vie de tous les jours.
En résumé :
1. Hypersensibilité sensorielle.
2. Hypersensibilité émotionnelle.
3. La rapidité de traitement de l’information.
4. La quantité d’informations à traiter.
5. La concentration, l’attention et la mémoire.
Tout cela est impacté par le traitement de l’information limité puisque le monde extérieur (la société et son fonctionnement) nous demande une adaptation (lorsque nous quittons notre mode de fonctionnement pour appliquer celui des personnes neurotypiques) et nous demande une traduction constante (comprendre ce mode neurotypique).
La priorisation des tâches
Certains intervenants ou l'entourage des personnes autistes ont tendance à répondre de prioriser nos tâches et activités quotidiennes si celles-ci nous causent des surcharges. Cela peut sembler logique comme conseil. Cela s'avérerait réaliste lorsque nos incapacités à accomplir nos tâches sont causées par un horaire surchargé ou parce que nous vivons un événement de vie qui affecte notre énergie ou moral. Par exemple, quand on a un rhume ou qu'on devient parent, il est normal de descendre nos attentes en termes de tâches accomplies dans une journée ou de fatigue ressentie à les exécuter.
Toutefois, dans le cas de l'autisme, nous parlons d'une condition à vie. Les déficits ne nous permettent pas, parfois, de répondre à notre bien-être, nos obligations et responsabilités, à conserver un emploi, nouer des relations, avoir des intérêts, etc. Ceci étant dû à ce monde extérieur créé, organisé et géré sous un mode de fonctionnement différent. Alors même si on réduit la liste de tâche à une seule, elle peut à elle seule causer une surcharge. La personne autiste réalise que cette tâche devra être faite, aujourd'hui ou demain, mais qu'elle causera une surcharge.
Une personne autiste en fait a le potentiel de travailler très rapidement, sans relâche et concentré intensément. Mais cela se produit lorsqu'elle est dans son mode de fonctionnement, à utiliser ses forces et ressources pour activer cette capacité sans se buter sans cesse à ses limitations. Comme je disais, on peut arriver au même résultat, mais en ne procédant pas de la même façon. Malheureusement, cette flexibilité d'action est rarement possible dans la société dans laquelle nous vivons qui fonctionne sur un concept d'uniformisation des individus et des tâches. La place laissée à la diversité est mince et l'éducation que nous recevons ne permet pas d'acquérir les aptitudes et capacités nécessaires à l'ouverture, l'acceptation et l'adaptation à ce qui nous paraît étranger.
La personne autiste ne peut donc pas prioriser, car là ne se trouve ni la cause ni la solution pour éviter des surcharges. Il faut qu'elle soit dans son mode de fonctionnement tout simplement.
Le résultat est l'épuisement autistique
Lorsque plusieurs surcharges surviennent, sur une période de temps variable d'un individu à l'autre, et que la personne ne peut s'extraire de ce qui cause ces surcharges et que celles-ci surviennent trop fréquemment, cela mène à un épuisement autistique. À ce moment, le cerveau et le corps ne font plus juste cesser les fonctions cognitives ou bien désactiver les mécanismes d'adaptations pour un 24h à 48h, le cerveau et le corps tombent dans un état d'épuisement qui durera de quelques semaines à plusieurs mois, voire même plusieurs années. Tout simplement, la personne autiste ne peut plus s'adapter et quitter son mode de fonctionnement. Elle n'a plus la capacité, les ressources et l'énergie. Elle doit prendre du temps pour revenir à son mode de fonctionnement. Elle n'a pas besoin de se reposer ou de dormir comme un épuisement classique ou une dépression, elle a besoin de cesser ce camouflage et l'utilisation de ses mécanismes d'adaptation.
Le camouflage social peut être utile lors d'une embauche, une présentation orale, la visite des beaux-parents, mais s'avère extrêmement néfaste et surtout impossible à réaliser sur le long terme. C'est comme l'acteur dans la pièce de théâtre. Cette pièce peut jouer quelques heures, mais elle devra un jour cesser pour que cet acteur redevienne lui-même, sans ce personnage, et qu'il puisse retourner à sa vie normale.
Sinon, que penseriez-vous que cela aurait comme impact sur sa santé autant psychologique que sa construction identitaire?
Je ne pense pas qu'il faille juger la personne autiste sur cet épuisement en croyant qu'elle baisse les bras, qu'elle est lâche, qu'elle n'essaie pas assez fort. C'est même un manque de respect. À la place, nous devrions compatir avec sa situation et la féliciter de toute l'endurance dont elle a fait preuve pour parvenir à s'adapter jusque-là. Comme un alpiniste qui arrive à un niveau de la montagne et qui ne peut plus continuer, car il a atteint la limite de ses capacités et de sa force à escalader. Va t'on lui reprocher de ne pas continuer? Ou va t'ont le féliciter de s'être rendu à ce niveau et de tous les efforts qu'il a faits?
Épuisement autistique = Arrêt de travail fréquent
La personne se retrouvera probablement en arrêt de travail, cessera de fréquenter et de parler à son entourage ou du moins espacer les visites et appels, ne prendra plus autant soin d'elle, n'aura pas de bonnes habitudes de vie (sommeil, alimentation, activité physique, hygiène), n'aura plus les capacités à participer à des activités et j’en passe. Tout ce qui la mènera à devoir affronter ce mode de fonctionnement différent ne sera plus possible donc la majorité des points énumérés ici ne pourront être accomplis.
La personne fera les choses à sa façon pour ce qui peut l'être puisqu'elle n'a plus l'énergie ni la capacité de s'adapter. À mesure qu'elle fonctionnera dans son mode, elle retrouvera peu à peu ses capacités, son énergie, ses intérêts, son moral et sa santé si elle avait été impactée. Elle se sentira mieux. Son médecin parlera d'un retour au travail et la personne autiste trouvera que c'est le bon moment puisqu'elle se sent mieux. Elle retournera donc au travail, retrouvera ses obligations d'avant et devra à nouveau utiliser ses mécanismes d'adaptation et ce camouflage pour arriver à fonctionner et s'intégrer.
Toutefois, si ce qui cause les surcharges ne disparaît pas durant ce moment de repos, par exemple devenir parent ou le deuil d'un proche aidant dont nous venons de perdre notre soutien qui palliait nos déficits, et que ces surcharges reviennent encore et encore, la personne autiste pourra avoir de réelles difficultés à redevenir fonctionnelle comme avant. Elle n'aura plus les capacités ni l'énergie pour activer ses mécanismes d'adaptation ou bien ne retrouvera pas le soutien nécessaire. Dans ce cas, elle devient invalide si elle a la chance d'avoir un médecin coopératif et
compatissant ou bien sinon, on l'obligera à retourner vaquer à ses occupations quotidiennes, croyant à tort que son énergie reviendra en s'occupant. Et elle tiendra le coup, sur une période X selon l’individu, avant de se retrouver à nouveau en épuisement autistique.
Ce qu'elles ignorent, c'est que les personnes autistes n'avaient pas besoin de se reposer. Il s'agit plutôt de constater que cela lui requérait une trop grande adaptation pour s'intégrer et qu'une nouvelle situation de vie rend le tout très difficile dorénavant. Il faut s’assurer que ce qui cause les surcharges ne surviendra plus.
Deux choix s’offrent alors
Mais que peut donc faire cette personne qui réalise qu'elle ne peut plus s'adapter, camoufler et réussir à accomplir ses obligations, fonctions et responsabilités qu'elle a pourtant accepté dans le passé? Elle se voit confronter à deux « choix » : Retourner à ses fonctions passées qui lui demande de s'adapter et se camoufler, mais que puisqu'un événement ou situation X est survenu, l'endurance de la jauge d'énergie baissera plus vite qu'avant et donc, les surcharges seront plus fréquentes ou plus longues et les épuisements autistiques referont surface plus rapidement. Car oui les épuisements reviendront puisque la personne retournera dans l'environnement à accomplir les tâches qui l'ont mené à cet épuisement. Elle doit quitter son mode de fonctionnement et ne plus être en mesure de répondre à ses besoins pour s'adapter. Alors qu'avant cet événement ou changement qui est survenu elle y arrivait, maintenant ce n'est plus possible. À moins que cet événement ou changement ne puisse se résorber ou disparaître. Alors, ce n'est qu'une question de temps avant qu'un autre événement ou changement ne survienne et ne cause ces surcharges et épuisements.
Son deuxième choix serait d’accepter sa condition, ses limitations, déficits, reconnaître ses forces et mode de fonctionnement et pouvoir ainsi non seulement répondre à ses besoins et respecter ses limites, mais également orienter et équilibrer ses sphères de vie et ses objectifs en adéquation avec sa personne. Cela lui permettra l'authenticité, la connaissance de soi, l'amour de soi, la confiance et l'affirmation de soi, le respect et savoir se valoriser pour finalement pouvoir développer des relations avec des personnes bienveillantes et ouvertes ou trouver des personnes similaires à elle et de s'adonner à des activités qui reflètent ses capacités et intérêts. Elle évitera ainsi à devoir quitter son mode de fonctionnement sur le long terme et ainsi éviter un grand nombre de surcharges et des épuisements autistiques.
L'impact sur le travail, les finances la santé, le bien-être, l'entourage et les relations, sur les particularités autistiques, etc. sera minime en comparaison sur le premier choix. Toutefois, pour arriver à se reconstruire comme cela, des ressources et du soutien sont nécessaires.
C’est comme une allergie. Attention, je ne dis pas que les personnes autistes sont allergiques à la société, loin de là, mais c’est une comparaison pour démontrer pourquoi il ne faut pas s’attendre à des résultats différents si on se ré-expose à ce qui nous cause des surcharges.
Si on s’expose à ce qui cause une allergie, on va avoir des réactions. On va donc se sortir de l’environnement qui cause cette allergie. Les réactions vont diminuer. Si, après cela, nous nous croyons « fonctionnels » à nouveau et que nous retournons dans cet environnement et nous exposons à ce qui cause notre allergie, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il y ait moins de réactions allergiques... On peut accepter de prendre des médicaments pour les allergies toute sa vie ou de vivre avec ces réactions en permanence. Ou bien, on peut choisir de changer d’environnement et fonctionner dans un environnement qui respecte notre condition (ou allergie dans ce cas-ci).
Le soutien et les ressources nécessaires, mais limités ou inexistants
La personne ira donc chercher les ressources nécessaires pour cette reconstruction de soi et la réorientation de ses sphères de vie en se fixant des objectifs. Elle aura besoin de temps et le temps vaut de l'argent. Nous devons passer près de 40h par semaine seulement pour le travail sans compter toutes les autres tâches et obligations. Quel temps reste-t-il pour cette reconstruction qui représente un travail à temps plein à elle seule? Quasi aucun surtout si nous avons de grandes responsabilités comme être parent. Nous devons donc s'imposer ce temps en cessant de travailler. Mais comment paierons-nous nos factures et répondrons à nos responsabilités financières? Nous recherchons donc un certain soutien financier, mais il n'existe pas. Le seul c'est l'aide sociale si on y est admissible.
Pourtant, notre incapacité à travailler se réfère à un handicap. C'est parce que nous avons accepté de prendre trop de responsabilités et obligations au courant de notre vie, c'est parce que nous avons camouflé trop longtemps, c'est parce que nous avons acceptés de se sur adapter pour répondre aux normes sociales et devenir fonctionnel. Parce que c'est ce qu'on a exigé de nous si nous ne voulions pas être jugés, dénigrés ou rejetés. Parce qu'il n'y avait aucune autre option pour survivre et fonctionner en société. Et parce qu'on y est parvenu durant X années, et qu'aujourd'hui nous n’en sommes plus capables, on se confronte à un soutien financier inexistant ou sinon très faible. Nous sommes donc quasi obligés de retourner au travail et vivre dans des états de surcharges qui sont souffrants ou dans des périodes d'épuisement autistique répétitives.
La personne ira chercher l'aide de professionnels pour l'aider à soit développer des outils, stratégies et adaptations permettant de contrôler la fréquence et la durée des surcharges, mais ne pourra les éliminer, et ainsi espacer les périodes d'épuisement qui seraient survenues plus fréquemment. Elle devra en moyenne s'entourer de 4 spécialistes, aura des rendez-vous fréquents et se percevra comme une personne non autonome qui a besoin de soutien pour arriver à s'adapter. Car elle n'aura pas trouvé les ressources financières nécessaires pour sa reconstruction de soi et la réorientation de ses sphères de vie.
Tout ça, parce qu'aucun soutien financier n'existe. Le diagnostic tardif, les événements de vie et les épuisements autistiques ne sont pas reconnus pour impacter suffisamment la santé et le bien-être d'une personne pour qu'un programme de soutien financier puisse être créé.
Alors, dites-moi, est-ce que cette personne est toujours hautement fonctionnelle? Est-ce respectueux de lui mentionner qu’elle a un handicap invisible? Je ne crois ni que cette personne se considérera fonctionnelle ni que son handicap est invisible à ses yeux. C’est plutôt choquant ou blessant d’entendre ces mots, car cela réfère encore au fait qu’elle devrait être en mesure de s’adapter.
Conclusion - Le niveau de fonctionnement, changeant au cours d'une vie
Le niveau de fonctionnement d'une personne est très variable en fonction de sa situation de vie. Comme il vous a été expliqué dans cet article, la personne qui part d'un état fonctionnel, vivra différentes transitions ou situations de vie qui déstabiliseront ou voire, rendront impossible l'utilisation de ses mécanismes et stratégies d'adaptations (situation de déséquilibre). Ses déficits, limitations et traits autistiques seront plus visibles et présents (son niveau de fonctionnalité diminue de ce fait) et c'est à cette étape que la situation de handicap survient. Elle tentera d'appliquer des mécanismes et stratégies d'adaptation, mais elle n'y arrivera (nouvel état). Ces nouvelles incapacités forcent donc la personne à cesser ou modifier son rythme de vie, à devoir faire des choix, prendre un moment de repos puisqu'elle n'a plus suffisamment d'énergie pour s'adapter (phase de retrait des éléments surchargeants). La personne pourra fonctionner sous son mode de fonctionnement et recouvrer son état équilibre (phase de recouvrement). La personne aura retrouvé son énergie disponible et aura deux choix, selon si la situation initiale est résorbée ou non : 1) réactiver ses mécanismes d'adaptation pour une durée X avant qu'une nouvelle situation difficile ou nouvelle ne survienne et déstabilise les mécanismes d'adaptation et le cycle recommence. Dans ce cas, la personne aura un niveau de fonctionnement cyclique. 2) Si cela n'est pas possible, que la situation est permanente, alors la personne devra réorganiser tous les pans de sa vie en fonction de sa nouvelle limite d'adaptation. Dans ce cas, la personne devrait faire évaluer son nouveau niveau de fonctionnement.
Ce qui est dommage, c'est que les intervenants ont de la difficulté à comprendre que le niveau de fonctionnement de la personne autiste puisse être cyclique ou diminué suite à une situation et qu'il faut déterminer si cette situation est temporaire ou permanente. Lorsqu'on a réussi toute notre vie à s'adapter, ces intervenants s'imaginent que nous n'aurons qu'à refaire la même chose qu'avant pour s'intégrer et fonctionner, soit de réactiver ces mécanismes d'adaptation, alors que ce n'est souvent pas ou plus possible. Sans compter que lorsqu'on parle d'un cycle, il y a toutes les conséquences négatives que découle du fait que la personne passe de hautement fonctionnel à non fonctionnel. La personne peut difficilement se planifier un avenir stable. Elle subira beaucoup d'échecs et n'atteindra pas ses objectifs ou elle devra revenir sur ses acquis lorsqu'une nouvelle situation de crise surviendra.
Au sujet de l'autisme :